vendredi 29 août 2014

Prévoyance (n.f.) : aptitude à se protéger des risques de l'existence.


30 août. Salomé, en vacancière prof expérimentée qu'elle est, ne rentrera chez elle qu'au tout dernier moment. Détendue, mais prévoyante, elle boit du rosé au goulot, profite des derniers rayons de soleil, lézarde sur la plage avec son amoureux du moment, et règle certains détails insignifiants ...
Salomé – Bon, toi et moi, on commence à bien se connaître ? Ca fait, quoi ? Attends, ne me dis pas… presque 10 jours, dis donc. Toi sur les galets, moi sur les galets, et on a même mangé une crêpe ensemble. Et crois-moi, je ne mange pas de crêpes avec n’importe qui. Donc, Raphaël, si tu veux bien, je pense qu’il est temps pour nous de passer à la vitesse supérieure…
Raphaël – Euh… oui… Je te trouve vraiment très sympa… Est-ce que ça te plairait une partie de beach-volley demain matin ?

Salomé – Hmmm… Je pensais plutôt à un PACS. C’est un peu plus engageant, mais je suis prof, et…

 Raphaël – Prof ? Ah, vraiment ?  Tu ne m’avais pas…
Salomé – … Ecoute, on a toute l’année pour se raconter nos vies. Là, tu enfiles un short, on est attendu dans vingt minutes au tribunal. Si on n’est pas pacsés avant le 31 août, je peux dire adieu à ma mutation. Et imagine que, sur un malentendu, ça marche vraiment entre nous…



Compassion (n.f.) : pierre fondamentale d'une amitié durable.



C'est l'été. Victoire, en cloque une fois de plus, est assignée à résidence. Salomé, en bonne amie dévouée, s'est cassée à l'autre bout de la France pour ne plus avoir à subir ses conversations écœurantes, entre pets laissés échapper sur la table gynécologique et comparaison des serviettes ultra-absorbantes et des couches anti-fuites. « C’est un peu excessif et radical, je te l’accorde, mais tellement plus pratique. »

Mais une semaine après, alors qu'elle batifolait avec un bellâtre en bermuda trouvé au bord d'une plage, Salomé décida, parce qu’elle s’ennuyait comme un rat mort sous la pluie bretonne dans un élan de générosité, de rétablir la communication avec celle qui lui semblait être autrefois sa semblable, son amie.

Mais il fallait y aller mollo, des échanges par textos seraient bien suffisants dans un premier temps. Ce qui suit est donc la conversation textuelle téléphonisée qui eut lieu pendant leur séparation :

Salomé : Lundi 9h37 - Hello mon petit bouchon ! Comment te portes-tu depuis ces quelques jours ? Sous le soleil breton, une petite pensée pour toi : je te ramènerai plein de bonnes calories bretonnes pour te requinquer à mon retour (tu n'es plus à ça près ;))

Victoire : Lundi 9h44 - Ne commence pas à me faire chier dès le matin avec des histoires de kilos et de calories. "Exercices fesses tombantes" : voilà les trois mots que j'ai trouvés hier dans le moteur de recherche d'Anatole (le mari, ndlr). Je suis au bord du suicide.

Salomé : Lundi 9h47 - Ce qui est dingue, c'est qu'il arrive encore à s'inquiéter de la forme de tes fesses quand ton ventre à multiplié son volume par cent lol (sans parler du volume pileux face A ;-).

Victoire : Lundi 9h48 - A toi aussi, je vais casser la gueule. Tu l'auras mérité et tu mourras dans une marre de sang coagulée avant qu'on te trouve dans ton trou breton.

Salomé : Lundi 10h54 - Je te sens à fleur de peau mon bichon. Peut-être devrais-tu freiner un peu sur la saison 4 de Games of Thrones, cela ne te réussit pas tellement... Et si cela t'inquiète trop, contente-toi d'écrire à ton tour sur son ordinateur "lasse de simuler des orgasmes". Cela devrait suffire à lui faire passer le message.

Victoire : Lundi 11h23 - Je vais y penser. Mais j'aurais surtout besoin que tu me dises... c'est ton avis d'experte qui m'importe le plus.




Salomé : Lundi 11h24 - Oh mon Dieu! Mais qu'est-ce que c'est, ça??? T'es dingue de m'envoyer ça?!! Je cesse toute communication avec toi, tu l'auras voulu. Et ne m'envoie plus jamais d'images de ce genre, j’ai failli vomir sur mes huîtres !

Victoire : 11h36 - Qu'est-ce que tu peux être cul béni parfois! Rien qu'un petit coup d'oeil à ces fesses et ça serait réglé.

Salomé : 11h58 - Vaut mieux être cul béni que cul tombant (tu as ta réponse) et dis-toi que ce n'est que le début : bientôt, tes seins (si on peut encore les appeler comme ça) seront dans le même état et aucun exercice ne pourra rien pour toi. Résigne-toi, adieu.

Victoire : 12h02 - Regarde bien ton bellâtre à côté de toi. Tu le vois, là? Profites-en. Bientôt il recevra une lettre anonyme disant que ce qu'il prend pour un sourire étincelant n'est en réalité que des facettes en plastique posées au noir par ton voisin du dessous, et que tu t'es fait envoyer de la documentation pour l'épilation au laser de ta moustache naissante. Plus aucune pitié entre nous. Bonnes vacances.

dimanche 24 août 2014

Moisissure (n.f.) : état de décomposition d'un corps laissé à l'abandon.


Longtemps, Jérôme s'était levé de bonne heure, et ce jour-là ne fit pas exception. Avant de sortir, il trouva tout le même le temps d'avaler ses deux tranches de pain complet, de vérifier l'éclat de sa dentition et de pousser vers la porte la greluche qu'il avait sautée la nuit précédente (trois fois, Jérôme aimait la précision).

D'un pas alerte, il se dirigea vers l'épicerie bio pour se ravitailler en amandes californiennes. Soudain, il fut frappé par la vision de ces femmes, car, oui, ça devait bien en être. Il détailla d'un oeil expert les deux passantes et sans hésiter s'approcha pour en avoir le coeur net :

Jérôme : Excusez-moi, messieurs, mesdemoiselles, mesdames...? Mais... Je crois bien... Est-ce bien vous?

Femme 1 : De quoi...? Cet enfant-là? Qui piétine le chaton? Ah non... Il n'est pas à moi cet enfant... Ne vous fiez pas à la laisse qui le retient à moi. Je ne l'ai jamais vu.

Jérôme : Non. Je ne parle pas de ça. Je veux dire... je vous ai tout de suite reconnues.

Femme 2 : Ecoute, mon mignon, arrête tes simagrées. T'es propret et visiblement bien monté : je te fais la passe à 20€ et on n'en parle plus.

Jérôme : Vous vous méprenez. Je veux dire... Vous êtes bien... les Turbulentes?

Femme 1 : Des années qu'on ne nous avait pas appelées comme ça.

Jérôme : C'est vrai que vous avez changé. Mais ma mère m'a tellement parlé de vous... vous étiez ses idoles à l'époque. Alors? Qu'est-ce que vous devenez?

Femme 2 : Tu sais, gamin, le blog c'était plus pour nous. On a voulu frapper plus fort, plus loin, plus beau. Ca va faire du bruit. Tu peux prévenir ta daronne. Qu'elle se prépare.

Jérôme : Ah oui? Vous êtes sûres? Bon... je vous laisse, bonne continuation mesdames. Je sens que la surprise va être de taille.

Il s'engouffra dans l'épicerie. L'attrait des fruits secs avaient été plus fort que celui de ses deux interlocutrices, restées pétrifiées dans le caniveau.

Victoire : On a eu chaud. Bien joué le coup du projet. J'ai failli y croire.
Tu crois qu'il a remarqué ton haleine anisée? Le pastis, entre nous, dès 8h00... c'est limite...

Salomé : Et tes neuf autres sauvageons qui viennent de dépecer cette pauvre bête avec leurs canines? C'est pas plus voyant?